Pour bien se reprĂ©senter le rĂŽle immense de la religion, il faut envisager tout ce qu'elle entreprend de donner aux hommes ; elle les Ă©claire sur l'origine et la formation de l'univers, leur assure, au milieu des vicissitudes de l'existence, la protection divine et la bĂ©atitude finale, enfin elle rĂšgle leurs opinions et leurs actes en appuyant ses prescriptions de son autoritĂ©. Ainsi remplit-elle une triple fonction. En premier lieu tout comme la science mais par d'autres procĂ©dĂ©s, elle satisfait la curiositĂ© humaine et c'est d'ailleurs par lĂ qu'elle entre en conflit avec la science. C'est sans doute Ă sa seconde mission que la religion doit la plus grande partie de son influence. La science en effet ne peut rivaliser avec elle, quand il s'agit d'apaiser la crainte de l'homme devant les dangers et les hasards de la vie ou de lui apporter quelque consolation dans les Ă©preuves. La science enseigne, il est vrai, Ă Ă©viter certains pĂ©rils, Ă lutter victorieusement contre certains maux impossible de nier l'aide qu'elle apporte aux humains, mais dans bien des cas elle ne peut supprimer la souffrance, et doit se contenter de leur conseiller la rĂ©signation ». Freud. Nouvelles confĂ©rences sur la psychanalyse. Objet du texte Bien se reprĂ©senter » c'est se faire une idĂ©e claire et distincte de quelque chose. Freud invite d'abord Ă bien se reprĂ©senter un fait le phĂ©nomĂšne religieux a un poids Ă©norme dans le monde. Les religions sont des grands faits collectifs contribuant puissamment Ă donner au monde sa forme et sa couleur, sans doute Ă dĂ©terminer son destin. Au fond Freud demande de prendre acte d'un fait politiquement, gĂ©opolitiquement le fait religieux a une importance majeure. Pour se faire une idĂ©e trĂšs claire de cette rĂ©alitĂ© ; entendons pour en prendre la mesure exacte il convient d'articuler ce fait Ă un autre fait, peut-ĂȘtre moins donnĂ© Ă l'observation naĂŻve il faut, dit le texte, envisager tout ce que la religion entreprend de donner aux hommes ». Il faut » c'est-Ă -dire il est absolument nĂ©cessaire de comprendre que la force de la religion tient Ă la force des intĂ©rĂȘts humains qu'elle a pour mission de satisfaire. La religion est au service des besoins, des affects des hommes. Elle a une dimension utilitaire. L'immensitĂ© de son rĂŽle sur le théùtre des affaires humaines est proportionnelle Ă l'immensitĂ© des services qu'elle rend. Freud montre qu'ils sont de trois ordres Une religion propose une conception du monde. En ce sens elle remplit une fonction thĂ©orique par oĂč elle entre en conflit avec la science. Elle apaise les craintes et nourrit les espoirs d'un ĂȘtre confrontĂ© Ă l'angoisse de sa finitude et de sa misĂšre existentielle. Freud prĂ©cise que c'est sans doute Ă cette seconde mission que la religion doit la plus grande partie de son influence ». Il souligne ainsi la souverainetĂ© des affects dans la vie des hommes. Leur puissance est sans commune mesure avec les exigences pures de l'esprit telle que, par exemple l'exigence de vĂ©ritĂ©. VoilĂ pourquoi les hommes confondent d'ordinaire ce qui est vrai ou juste avec ce qu'il leur est utile ou agrĂ©able de croire tel. LĂ est le ressort de l'efficacitĂ© psychologique de toutes les idĂ©ologies et de toutes les religions. Elles sont infiniment plus influentes que la science car celle-ci n'est pas au service des affects au contraire la science requiert pour ĂȘtre Ă©laborĂ©e une ascĂšse, un effort pour s'arracher Ă ce que Platon dĂ©finit mĂ©taphoriquement comme la prison du corps afin de faire triompher les requĂȘtes de l'esprit et elle est beaucoup moins capable de rendre aux hommes les services que leur rend la religion. Les hommes, en effet, sont majoritairement des ĂȘtres sensibles ne poursuivant pas de maniĂšre dĂ©sintĂ©ressĂ©e la vĂ©ritĂ© et le bien. Les systĂšmes de reprĂ©sentation ordonnĂ©s Ă la satisfaction de leurs intĂ©rĂȘts sensibles ont donc infiniment plus de prestige Ă leurs yeux que les savoirs Ă©laborĂ©s de maniĂšre dĂ©sintĂ©ressĂ©e. Elle donne Ă ses adeptes un code de conduite et un systĂšme de pensĂ©e d'autant plus aptes Ă les cohĂ©rer qu'ils procĂšdent de l'autoritĂ© du sacrĂ©. Les religions ont en effet le pouvoir de cimenter idĂ©ologiquement les membres d'un groupe. Elles dĂ©finissent une orthopraxie ce qu'il convient de faire adossĂ©e Ă une orthodoxie ce qu'il convient de croire dont le mĂ©rite est d'Ă©chapper Ă la dĂ©libĂ©ration collective. Pas de conflits d'opinions, pas de dĂ©bats dans les systĂšmes politiques fondĂ©s sur le thĂ©ologique. Elles assurent ainsi une stabilitĂ© et une cohĂ©sion du corps politique qu'il est bien difficile d'obtenir lĂ oĂč les hommes sont reconnus comme les seuls instituteurs des savoirs et des lois. La religion sert donc bien de multiples intĂ©rĂȘts ; elle remplit une fonction thĂ©orique, une fonction psychologique et une fonction politique. Remarquons que le texte proposĂ© Ă notre analyse ne fait que signaler la fonction thĂ©orique et la fonction politique. Il n'approfondit pas ces aspects du phĂ©nomĂšne religieux mĂȘme s'il est suffisamment explicite pour interdire de faire l'impasse sur leur importance. L'analyse freudienne se concentre sur la dimension psychologique du fait religieux, ce qui ne saurait nous Ă©tonner. Freud n'est ni un Ă©pistĂ©mologue ni un penseur politique. C'est un spĂ©cialiste de la psychologie des profondeurs qui sait par expĂ©rience combien le dĂ©terminisme psychique conscient ou inconscient Ćuvre dans tout ce qui est humain. L'enjeu de sa confĂ©rence et par lĂ mĂȘme de ce texte est donc de psychanalyser la religion et de mettre en perspective le discours religieux et le discours scientifique afin de montrer que dans le conflit qui les oppose de maniĂšre rĂ©currente la science est vaincue d'avance ; elle ne peut pas rivaliser avec la religion parce que les requĂȘtes de la psychĂ© sont infiniment plus puissantes que celles de la raison. Explication dĂ©taillĂ©e. Pourquoi la religion ThĂšme a-t-elle une place si importante dans la vie des hommes d'hier, d'aujourd'hui et sans doute de demain ? Et pourquoi dans sa concurrence avec le discours religieux, le discours scientifique ne peut-il pas rivaliser ? Telles sont les questions que Freud affronte dans ce texte oĂč il analyse le statut de la religion dans l'Ă©conomie de l'existence humaine. Il prend en considĂ©ration le phĂ©nomĂšne religieux en gĂ©nĂ©ral, non telle ou telle religion et Ă©tablit que toute religion remplit une triple fonction. ThĂšse Dans la premiĂšre phrase du texte il Ă©numĂšre ces trois fonctions. La religion, apprend-on satisfait la curiositĂ© humaine, elle apaise l'angoisse et entretient l'espoir ; elle normalise les rapports sociaux en consacrant de son autoritĂ© un code de conduite et un systĂšme de reprĂ©sentation. A partir de la troisiĂšme phrase, Freud explicite la nature des deux premiĂšres fonctions nommĂ©es en mettant en concurrence la religion et la science. Il s'agit pour lui de faire apparaĂźtre pourquoi la science ne peut pas rivaliser avec la religion. Enjeu du texte Constat amer pour un homme de science, mais constat d'une grande clairvoyance. On comprend clairement pourquoi le combat des LumiĂšres n'est jamais achevĂ© et mĂȘme pourquoi il est perdu d'avance. 1 La rivalitĂ© science / religion du point de vue thĂ©orique. L'une et l'autre satisfont la curiositĂ© humaine. La curiositĂ© est l'expression de la nature spirituelle de l'ĂȘtre humain. Parce qu'il est esprit l'homme se pose des questions, il a besoin de s'expliquer le monde dans lequel il vit ou sa propre existence. D'oĂč venons-nous ? Qui sommes-nous ? OĂč allons-nous ? Il veut savoir et soumet la totalitĂ© du rĂ©el Ă l'interrogation. VoilĂ pourquoi les hommes mĂ©diatisent leur rapport au rĂ©el par des paroles, des rĂ©cits ayant pour fonction de rĂ©duire l'Ă©trangetĂ© des choses et de se les approprier symboliquement. Ils Ă©laborent ainsi des systĂšmes de reprĂ©sentation du rĂ©el qui leur donnent une vue d'ensemble et expliquent par un principe unique un ensemble de phĂ©nomĂšnes. C'est ce que Freud appelle dans sa confĂ©rence une conception de l'univers. Il faut entendre par lĂ une construction intellectuelle ayant un caractĂšre systĂ©matique et unifiĂ©. La religion et la science proposent l'une et l'autre de tels systĂšmes mais comme l'Ă©crit Freud elles ne procĂšdent pas du tout de la mĂȘme maniĂšre. Leur point commun elles produisent de l'intelligibilitĂ© propice Ă des amalgames douteux au fond prĂ©tend-on complaisamment elles procĂšdent l'une et l'autre d'un souci de savoir et l'une a autant autoritĂ© que l'autre dans leur domaine respectif ne doit pas minimiser l'hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© radicale de ces discours et leur antinomie. Freud n'Ă©lucide pas, dans ce passage, cette hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© mais dans sa confĂ©rence il s'emploie Ă pointer les diffĂ©rences afin d'Ă©tablir que la science et la religion n'ont pas des droits Ă©gaux Ă la vĂ©ritĂ©. PrĂ©tendre le contraire est de son aveu le propre d'une reprĂ©sentation anti-scientifique de la rĂ©alitĂ©. La vĂ©ritĂ©, Ă©crit-il, ne peut pas ĂȘtre tolĂ©rante, elle ne doit admettre ni compromis, ni restrictions. La science considĂšre comme siens tous les domaines oĂč peut s'exercer l'activitĂ© humaine et devient inexorablement critique dĂšs qu'une puissance tente d'en aliĂ©ner une partie ». PB Qu'est-ce donc qui distingue le discours religieux et le discours scientifique en ce qui concerne le souci de rendre intelligible le rĂ©el ? Pour l'analyse dĂ©taillĂ©e voir le corrigĂ© la science est-elle incompatible avec la religion?. Conclusion Au terme de cette comparaison, il apparaĂźt que la religion ne peut pas rivaliser avec la science sur la plan thĂ©orique. Ses Ă©noncĂ©s n'Ă©tant ni des "vĂ©ritĂ©s de fait" ni des "vĂ©ritĂ©s de raison", elle est extĂ©rieure au champ de la rationalitĂ©. Hume Ă©crivait en ce sens Si nous prenons en main un volume quelconque de thĂ©ologie ou de mĂ©taphysique scolastique, par exemple, demandons-nous Contient-il des raisonnements abstraits sur la quantitĂ© et le nombre ? Non. Contient-il des raisonnements expĂ©rimentaux sur des questions de fait et d'existence ? Non. Alors, mettez-le au feu, car il ne contient que sophismes et illusions». EnquĂȘte sur l'entendement humain. 1748. 2 La rivalitĂ© science/religion sur le plan existentiel ou psychologique. L'analyse freudienne Ă©tablit que de ce point de vue la science ne peut pas concurrencer la religion. Son infĂ©rioritĂ© procĂšde de son impuissance Ă rendre aux hommes les inestimables services que la religion leur rend. - Celle-ci leur assure la protection divine et la bĂ©atitude finale ». - Elle apaise leurs craintes devant les dangers et les hasards de la vie ...elle leur apporte quelques consolations dans les Ă©preuves ». ProtĂ©ger », apaiser », consoler ». Tous ces termes pointent le rapport du discours religieux Ă des affects. Ils dĂ©voilent le sujet de ce discours ou son adepte, beaucoup moins comme un esprit curieux, soucieux de contempler la vĂ©ritĂ© que comme un ĂȘtre affectif dont les reprĂ©sentations sont ordonnĂ©es Ă la satisfaction de certains dĂ©sirs. -Besoin ou dĂ©sir de protection. Il semble bien, en effet, que quelles que soient les religions, les hommes attendent des dieux auxquels ils vouent un culte une tutelle protectrice. Par des rites, par des priĂšres, par des sacrifices ils cherchent Ă apaiser leurs courroux, Ă attirer sur eux leurs faveurs. Tout se passe comme si les religions s'adressaient en chacun de nous Ă celui qui, comme l'enfant a besoin d'un pĂšre pour veiller sur lui, lui apporter soins et attentions, Ă©loigner les dangers menaçants lui donnant ainsi un salutaire sentiment de sĂ©curitĂ©. -Besoin d'ĂȘtre apaisĂ©. Les dangers ne manquent pas dans une vie d'homme. Maladies, Ă©chec sentimental ou professionnel, solitude, misĂšre, guerres, deuils, proximitĂ© de la mort. Notre condition est bien celle d'un ĂȘtre misĂ©rable. Vivre c'est ĂȘtre exposĂ© aux alĂ©as de la vie de telle sorte que le souci, l'inquiĂ©tude, l'angoisse sont notre lot commun. D'oĂč l'intĂ©rĂȘt d'un discours qui, Ă dĂ©faut de dissiper les craintes les tient en respect par la confiance en une puissance protectrice et bienveillante. -Besoin d'ĂȘtre consolĂ© et d'espĂ©rer un monde meilleur. L'homme dĂ©sire ĂȘtre heureux or il a souvent rendez-vous avec le malheur. Il lui semble que le bonheur devrait ĂȘtre la rĂ©compense de la vertu or il observe parfois que le bon est accablĂ© tandis que tout semble rĂ©ussir au mĂ©chant. On comprend lĂ encore l'avantage d'un discours aidant Ă supporter les Ă©preuves en leur donnant un sens ex Dieu Ă©prouve ceux qu'il aime » Dieu donne, Dieu reprend » et qui invite Ă l'espĂ©rance d'un au-delĂ oĂč la misĂ©ricorde divine effacera les souffrances prĂ©sentes et donnera la bĂ©atitude paradisiaque. Il va de soi que la connaissance scientifique ne peut donner de telles satisfactions. Le but de la science est la dĂ©couverte de la vĂ©ritĂ© non l'assistance psychologique et morale des hommes. Au contraire en Ă©tudiant rationnellement le rĂ©el elle le dĂ©senchante selon la belle formule de Max Weber. En soumettant le fait religieux Ă l'enquĂȘte scientifique, la science disqualifie la religion en en faisant Ă la maniĂšre freudienne le symptĂŽme d'une nĂ©vrose infantile ou Ă la maniĂšre de Marx un opium du peuple. Dans tous les cas la religion est dĂ©noncĂ©e comme une aliĂ©nation et une illusion. Etre dans l'illusion c'est prendre des fictions pour des rĂ©alitĂ©s. Une illusion, Ă©crit Freud, est une reprĂ©sentation dans la motivation de laquelle la satisfaction d'un dĂ©sir est prĂ©valente » En nommant les dĂ©sirs trouvant Ă se satisfaire dans la religion le savant ne fait pas l'Ă©loge de cette derniĂšre, il en dĂ©nonce au contraire le caractĂšre suspect. Et s'il pointe l'infĂ©rioritĂ© de la science sur ce terrain c'est parce que l'analyse des faits l'exige. Par principe la science est muette sur les questions qui importent le plus aux hommes. VoilĂ pourquoi on peut Ă la fois ĂȘtre un savant et un homme de foi. Le savant ne dĂ©loge pas en lui l'existant infiniment intĂ©ressĂ© Ă trouver des rĂ©ponses Ă ses questions mĂ©taphysiques, le savant n'Ă©radique pas en lui les attentes d'un sujet affectif ayant parfois besoin, pour se tenir debout de nourrir des espĂ©rances. Le savoir a des limites et ces limites mĂȘmes ouvrent un espace pour la croyance. Que celle-ci procĂšde de requĂȘtes affectives et soit Ă ce titre suspecte Ă l'analyse rationnelle ne suffit pas Ă la disqualifier radicalement car il faudrait pour cela dĂ©montrer sa faussetĂ© et cela est rigoureusement impossible. L'existence de Dieu, l'espĂ©rance d'une vie aprĂšs la mort, la croyance en tel sens de l'existence, tous ces Ă©noncĂ©s ne sont ni des vĂ©ritĂ©s de raison ni des vĂ©ritĂ©s de fait ; la science ne peut par principe rien en dire. Il s'ensuit que la connaissance scientifique est compatible en fait avec la foi. La confiance en une parole dĂ©livrant un message sur les interrogations humaines les plus importantes, existentiellement parlant, n'est pas invalidĂ©e par le discours scientifique puisque celui-ci laisse les hommes totalement dĂ©munis en ce qui concerne ce genre de prĂ©occupations. Tout au plus l'Ă©thique scientifique peut-elle ĂȘtre une invitation Ă penser qu'il en est du sens de la vie, des valeurs Ă honorer, des espĂ©rances Ă entretenir, ce qu'il en est de la vĂ©ritĂ© objective. C'est Ă l'homme courageusement, en sujet majeur d'en dĂ©cider de la mĂȘme maniĂšre que c'est lui seul avec ses propres ressources qui bĂątit les savoirs. Mais n'est-ce pas trop demander Ă la majoritĂ© des hommes ? N'ont-ils pas besoin du secours d'une transcendance qui, par son autoritĂ©, les dispense d'assumer la rĂ©ponse aux questions essentielles et leur donne la certitude dont ils ont besoin pour ne pas succomber au dĂ©sespoir et au sentiment de l'absurde ? Ce soupçon est, certes lĂ©gitime mais il ne doit pas conduire Ă mĂ©connaĂźtre la spĂ©cificitĂ© de l'expĂ©rience de la foi. La mĂȘme honnĂȘtetĂ© intellectuelle que dĂ©veloppe l'esprit scientifique et qui devrait conduire le croyant Ă un certain scepticisme Les dogmes ne sont-ils pas trop utiles pour ĂȘtre vrais ? devrait inviter le savant Ă l'Ă©tonnement et Ă la rĂ©serve. Car depuis que les religions ont lĂąchĂ© du lest dans leur fonction politique, la pratique religieuse cessant de relever d'un conformisme social s'est intĂ©riorisĂ©e. Elle est devenue une affaire de foi or la foi est, en toute rigueur, une expĂ©rience Ă©tonnante. On a la foi ou on ne l'a pas et on peut se demander si celui qui est Ă©tranger Ă cette expĂ©rience est habilitĂ© Ă en parler. La foi est une adhĂ©sion ferme de l'esprit, subjectivement aussi forte que celle qui constitue la certitude mais incommunicable par la dĂ©monstration » Lalande Quel est le sens de ce vĂ©cu ? Ce qui est Ă©tranger Ă la dĂ©monstration est extĂ©rieur Ă la science certes, mais n'est-ce pas une dimension de l'expĂ©rience humaine dont le savant doit prendre acte Ă dĂ©faut de pouvoir l'expliquer scientifiquement ? Pascal en tirait prĂ©texte pour dire que Le cĆur a ses raisons que la raison ne connaĂźt pas » que c'est Le cĆur qui sent Dieu, et non la raison. VoilĂ ce que c'est que la foi, Dieu sensible au cĆur, non Ă la raison » PensĂ©es 277 et 279 B. Au fond le thĂ©ologien est tentĂ© de disqualifier la raison comme voie d'accĂšs au vrai et d'imposer la RĂ©vĂ©lation ou une lumiĂšre surnaturelle ; le savant qui ne reconnaĂźt pas d'autre autoritĂ© dans la constitution des savoirs que la raison et l'expĂ©rience est tentĂ© de disqualifier la croyance religieuse et c'est ainsi que le conflit est toujours ouvert. La rigueur rationnelle n'exige-t-elle pas, au contraire, de dĂ©limiter les places des uns et des autres et d'avouer modestement que le savoir ayant des limites, la croyance est irrĂ©ductible ; rĂ©ciproquement que la croyance reposant sur des principes aussi peu solides que des sentiments ou des affects, sur une adhĂ©sion silencieuse hors d'atteinte de la discussion critique ; voire se revendiquant radicalement irrationnelle croire mĂȘme si c'est absurde » peut ĂȘtre un solide bĂąton de voyage mais doit s'interdire toute prĂ©tention Ă la vĂ©ritĂ© ? Freud termine sa rĂ©flexion en prĂ©cisant que la science aussi, rend des services aux hommes mĂȘme s'ils sont incommensurables avec ceux que rend la religion. De fait, en dĂ©gageant les lois qui rĂ©gissent les phĂ©nomĂšnes la science permet de faire des prĂ©dictions et d'agir sur le rĂ©el pour produire ou pour Ă©viter les faits prĂ©dictibles. Science d'oĂč prĂ©voyance, prĂ©voyance d'oĂč action » Ă©crit Auguste Comte. Ainsi est-il possible grĂące Ă la connaissance d'Ă©viter certains pĂ©rils » et de lutter victorieusement contre certains dangers » L'efficacitĂ© technicienne tĂ©moigne bien de l'utilitĂ© du savoir scientifique mais enfin la science ne consolera jamais de la perte d'un ĂȘtre cher. Tout au plus enseigne-t-elle que c'est ainsi et que la seule attitude rationnelle est de prendre acte des faits. Ce que Freud appelle une attitude de rĂ©signation. La croyance en une Providence divine ou bien en un au-delĂ oĂč nous nous retrouverons est en revanche nettement plus efficace en terme de soutien dans l'Ă©preuve. 3 La fonction politique et morale de la religion Elle rĂšgle leurs opinions et leurs actes en appuyant ses prescriptions de toute son autoritĂ© ». Freud souligne ici que toute religion dĂ©finit une morale. Une morale est un ensemble de rĂšgles auxquelles on doit conformer sa conduite. Ces rĂšgles distinguent un bien et un mal ; un permis et un interdit. Elles ont pour fin de rendre l'homme bon et de normer ses relations avec les autres. C'est dire leur intĂ©rĂȘt social ou politique. Les religions, selon l'Ă©tymologie, relient les hommes Ă une transcendance pour mieux les lier les uns avec les autres et l'avantage d'un tel fondement de la morale ou de la politique saute aux yeux. Les dĂ©crets de Dieu ne se discutant pas, il n'y a pas de conflits d'opinions dans les sociĂ©tĂ©s fondĂ©es sur la religion ; ces dĂ©crets Ă©tant sacrĂ©s, leur puissance coercitive est sans commune mesure avec celle des lois simplement humaines. On ne peut pas, en effet, Ă©chapper au lĂ©gislateur divin comme on le peut avec le lĂ©gislateur humain. Le premier voit tout, le secret des cĆurs aussi bien que les conduites et si ce n'est pas dans cette vie il faudra rendre des comptes dans l'autre. Avouons qu'il y a de quoi rafraĂźchir les ardeurs sacrilĂšges ! Les religions assurent ainsi une stabilitĂ© et une cohĂ©sion du corps politique qui sont refusĂ©es aux systĂšmes ayant rompu avec la fondation religieuse. En tout cas de tels systĂšmes ne peuvent pas attendre de la science un quelconque secours. La science Ă©tudie ce qui est ; elle n'a aucune compĂ©tence pour prescrire ce qui doit ĂȘtre. Tous les grands penseurs le rĂ©pĂ©teront d'un indicatif on ne peut dĂ©duire un impĂ©ratif. Le champ moral et le champ politique mettent en jeu des valeurs et le discours portant sur les valeurs est extĂ©rieur Ă la scientificitĂ©. Il n'y a ni science politique, ni science morale possibles. Tout au plus l'esprit scientifique peut-il dĂ©velopper chez ceux qui sont formĂ©s Ă ses exigences des vertus morales l'honnĂȘtetĂ© intellectuelle, le courage, la rigueur, la capacitĂ© de prendre acte des faits, la modestie etc. mais la dĂ©termination des fins, le choix des valeurs sont compĂ©tence morale ou politique, non compĂ©tence scientifique. Conclusion Quelle que soit la fonction envisagĂ©e, la science ne peut dans les faits rivaliser avec la religion. La nature affective de l'homme, sa complaisance dans l'Ă©tat de minoritĂ© intellectuelle et politique, le besoin qu'il a d'une tutelle protectrice et d'une Parole le dispensant d'assumer l'angoisse de la libertĂ© ou de l'autonomie rationnelle fondent la toute puissance de la religion. En droit pourtant la science est bien supĂ©rieure sur le plan thĂ©orique mais elle a des limites qui lui font obligation de laisser une place Ă la croyance et de reconnaĂźtre le mystĂšre de la foi. Partager Marqueursaffects, autonomie, crainte, croyance, espoir, foi, morale, politique, religion, rĂ©vĂ©lation, sacrĂ©, scienceLapassion du pouvoir est la plus forte de toutes les passions. Il n'y a pas de compromis pour prendre le pouvoir. Chaque personne qui se lance dans la course politique est persuadĂ©e qu'elle va faire quelque chose de grand ! Certains hommes ont mĂȘme la certitude d'incarner l'histoire. C'est un phĂ©nomĂšne frĂ©quent chez les gouvernements de
Apparemment, les rapports entre religion et politique ne sont ni nĂ©cessaires ni souhaitables. Que lâhomme dĂ©veloppe sa vie spirituelle semble une activitĂ© sans lien Ă©vident avec lâart de gĂ©rer la citĂ©. Les partisans dâune certaine laĂŻcitĂ© se satisferaient dâune religion confinĂ©e dans les temples ou dans les consciences qui laisserait le champ entiĂšrement libre Ă la vie politique. Dans la pratique cependant, les choses ne sont pas aussi simples et partout, Ă des degrĂ©s divers, on constate que la religion se mĂȘle de politique tandis que la politique se mĂȘle de religion. Constatons dâabord que la politique est toujours la rĂ©sultante dâune lutte de pouvoirs le vainqueur sort des urnes en dĂ©mocratie, il sâimpose par la ruse ou la force dans les autres rĂ©gimes. Or, la religion dispose incontestablement dâun pouvoir qui, bien que spirituel, peut mobiliser les hommes comme toute autre idĂ©ologie. Avant dâillustrer par des exemples pris dans divers pays la complexitĂ© des rapports entre religion et politique, nous nous efforcerons dâanalyser en quoi consiste le pouvoir religieux et comment il peut coopĂ©rer ou sâaffronter avec le pouvoir civil. Sommaire 1 Le pouvoir religieux 2 ThĂ©ocratie, athĂ©isme ou laĂŻcitĂ© 3 La laĂŻcitĂ© en Turquie Le pouvoir religieux Aussi loin que lâon remonte dans le temps, on trouve toujours quelque sorcier ou quelque guĂ©risseur dont le pouvoir contrebalance celui du souverain le plus absolu. La peur des forces obscures de lâau-delĂ hante es despotes comme les autres hommes et celui qui dit maĂźtriser le suraturel est considĂ©rĂ© avec crainte et respect. Un pouvoir absolu ne se conçoit pas sans une alliance des pouvoirs temporel et surnaturel. Aussi longtemps quâils lâont pu, les rois se sont Ă©clatĂ©s eux-mĂȘmes dieux, ou investis par un dieu ou protĂ©gĂ©s par les dieux. LâidĂ©al est dâĂȘtre Ă la fois roi et grand prĂȘtre. Câest ce quâĂ©tait le pharaon et câest un peu ce quâa voulu ĂȘtre Henri VIII quand il crĂ©a lâEgligl anglicane. Câest aussi la tendance thĂ©ocratique dâun rĂ©gime comme celui instituĂ© en Iran par lâimam Khomeiny. La tendance totalitaire des nĂŠvi communistes oĂč la seule idĂ©ologie admise Ă©tait celle de lâEtat ne procĂšde pas dâune autre conception. Souvent cependant le pouvoir nâest pas assez crĂ©dible pour paraĂźtre de nature divine ou assez fort pour dĂ©tenir sans conteste la vĂ©ritĂ© idĂ©ologie que. Le pouvoir temporel reste alors extĂ©rieur au pouvoir religieux et il peut chercher Ă lâĂ©craser, Ă lâĂ©touffer, Ă lâacheter, Ă le compromettre, Ă le dĂ©considĂ©rer ou Ă le marginaliser. Cette attitude procĂšde, pour une bonne part, de lâanalyse selon laquelle le pouvoir religieux est entre les mains de chefs auxquels obĂ©issent des troupes. Cette analogie avec un pouvoir militaire est bien souvent erronĂ©e et lâHistoire montre que les chefs religieux rĂ©cupĂ©rĂ©s par le pouvoir politique perdent rapidement toute influence sur les croyants. En rĂ©alitĂ©, le pouvoir religieux est une expression ambiguĂ« il y a deux sortes de pouvoir religieux, lâun sâapparente au pouvoir matĂ©riel, câest celui quâexerce une autoritĂ© sur des sujets ». Câest un pouvoir clĂ©rical, câest-Ă -dire que des prĂȘtres, sâappuyant sur le respect portĂ© Ă leur fonction, exercent sur leurs fidĂšles une autoritĂ© dans des domaines Ă©tendus de la vie publique. Lâautre pouvoir religieux, gĂ©nĂ©ralement incompris du pouÂŹvoir politique, est de nature spirituelle. Etrangement, il nâa guĂšre besoin de chefs pour sâexercer. Ce pouvoir insaisissable est celui que donne Ă la foule des croyants une communautĂ© de sensibilitĂ© et de foi. Lâarme de ce pouvoir est la priĂšre. Les croyants sont en effet persuadĂ©s que la priĂšre est efficace et quâelle lâest dâautant plus quâils font un effort personnel pour mieux se conformer Ă ce que Dieu attend dâeux. Le jeĂ»ne et le renoncement Ă certaines satisfactions superficielles sâassocient frĂ©quemment Ă une priĂšre fervente. La dĂ©marche commune de reprĂ©sentants de diverses religions participant Ă une priĂšre pour la paix, Ă Assise en octobre 1986, relĂšve de cette croyance dans un pouvoir purement spirituel. Les sceptiques peuvent ĂȘtre tentĂ©s de sourire devant ce quâils considĂšrent comme une touchante naĂŻvetĂ©, mais, puisque les dĂ©marches rationnelles en vue de la paix sont des Ă©checs, pourquoi faudrait-il dĂ©courager les croyants dâagir selon leur conscience ? Cependant la priĂšre est parfois mise Ă toutes les sauces et lâHistoire a frĂ©quemment donnĂ© le spectacle de deux armĂ©es invoquant le mĂȘme Dieu avant de sâĂ©triper en contradiction formelle avec le message dudit . Il est bien difficile, dans ces conditions, de prouver que la priĂšre est efficace. pourtant, la certitude que les priĂšres sont parfois exaucĂ©es se traduit r une multitude dâexvoto placĂ©s par les fidĂšles dans les lieux de pĂšlerinage» lâĂ©rection de calvaires dans les campagnes ou de sanctuaires dans les grandes villes la basilique du SacrĂ©-CĆur Ă Montmartre commĂ©more lâarrĂȘt des Allemands devant Paris en 1870 et Notre-Dame de FourviĂšre Ă Lyon, la fin de diverses Ă©pidĂ©mies jugulĂ©es par la Vierge. Ces monuments donnent une bonne image de la force constructive des croyances religieuses qui les ont Ă©rigĂ©es. De nos jours, le pouvoir spirituel se mobilise surtout pour dĂ©fendre des droits. Pour vivre normalement, les religions ont en effet besoin, comme les individus, dâexercer certaines libertĂ©s fondamentales quâelles cherchent Ă faire reconnaĂźtre par le pouvoir politique. La situation varie considĂ©rablement selon le type de rĂ©gime politique instituĂ©. ThĂ©ocratie, athĂ©isme ou laĂŻcitĂ© A lâune de ces trois formules se rattachent toutes les diffĂ©rentes formes de rapport entre un gouvernement et les religions. Dans les rĂ©gimes thĂ©ocratiques2, le gouvernement fonde son autoritĂ© sur une religion, ce qui place ceux qui ont dâautres croyances dans une situation dĂ©favorisĂ©e. Cette forme de gouvernement est lâidĂ©al auquel aspirent explicitement les musulmans le Coran pose les principes de la vie civile comme ceux de la vie religieuse et la sociĂ©tĂ© ne peut ĂȘtre parfaite quâen suivant scrupuleusement le Coran. De ce point de vue, on comprend les musulmans fondamentalistes qui regrettent lâĂ©poque oĂč un calife dirigeait lâensemble du monde musulman3. Cependant, bien des gouvernements de pays musulmans aussi diffĂ©rents que lâArabie Saoudite ou lâIran appliquent exclusivement la loi islamique de la chariâa. Quâil sâagisse de rĂ©publiques ou de royaumes, ces pays sont, au sens large, thĂ©ocratiques. Parmi les pays de culture bouddhiste, seul le Bhoutan impose encore sa religion Ă ses sujets ; plus prĂ©cisĂ©ment, il y est interdit de propager une autre religion que le bouddhisme. Le christianisme, quant Ă lui, a longtemps eu la tentation dâĂ©tablir le rĂšgne de Dieu sur terre. Lâamour du prochain impliquait de ne pas e laisser dans lâerreur et les souverains trouvaient salutaire dâimposer leur religion Ă leurs peuples. Lâoppression des minoritĂ©s religieuses et une consĂ©quence quasi inĂ©vitable de la thĂ©ocratie ou de lâexistence dâune religion officielle lâexpulsion des juifs dâEspagne aprĂšs la Reconquista, la rĂ©vocation de lâEdit de Nantes par Louis XIV, la persĂ©cution des bahaĂŻs par la rĂ©publique islamique dâIran en sont quelques exemples. Parfois la thĂ©ocratie sâefforce de prĂ©senter un visage de tolĂ©rance en accordant un statut particulier aux minoritĂ©s religieuses. Câest ce que lâIslam prĂ©voit pour les gens du Livre », chrĂ©tiens, juifs ou zoroastriens sous le nom de dhimma. Il sâagit cependant dâun statut accordĂ© et non nĂ©gociĂ© avec les intĂ©ressĂ©s. Les rĂ©gimes athĂ©es reposent sur le mĂȘme principe que les rĂ©gimes thĂ©ocratiques, en ce sens quâils sâefforcent dâimposer leur idĂ©ologie Ă tous les citoyens. Dans les rĂ©gimes marxistes durs, la libertĂ© de croyance est garantie par la constitution, car aucune technique ne permet encore de contrĂŽler les opinions intimes, en revanche, il nâest pas permis de rĂ©pandre les croyances religieuses. Seule est licite la propagande antireligieuse. Lâobjectif dĂ©clarĂ© des rĂ©gimes athĂ©es est lâĂ©radication dĂ©finitive de toute religion considĂ©rĂ©e comme une sorte dâinsuffisance cĂ©rĂ©brale quâune Ă©ducation adaptĂ©e devra guĂ©rir un jour. Depuis lâimplosion de lâ et du rĂ©gime marxiste albanais, seule la CorĂ©e du Nord est encore strictement athĂ©e. La laĂŻcitĂ© est lâalternative Ă la contrainte quâimpose presque fatalement la thĂ©ocratie ou lâathĂ©isme. Elle consiste, en principe, Ă ce que lâEtat nâinterfĂšre aucunement dans la vie religieuse ou spirituelle de ses citoyens, quelles que soient leurs convictions. DĂ©crĂ©ter la laĂŻcitĂ© de lâEtat ne rĂšgle pas tous les problĂšmes. Diverses interprĂ©tations de son contenu sont possibles comme en tĂ©moigne, par exemple, la question de lâĂ©cole libre en France pour certains, lâEtat, responsable de lâEducation nationale, met Ă la disposition des citoyens une Ă©cole laĂŻque, câest-Ă -dire oĂč lâon ne prend parti pour aucune religion. LâĂ©cole est gratuite et obligatoire. LâEtat fait donc preuve de tolĂ©rance en admettant quâexistent dâautres Ă©coles mais il est hors de question de les subventionner. Pour les partisans de lâĂ©cole libre, religieuse ou non, il nâest pas juste que les parents paient deux fois lâĂ©cole de leurs enfants, une fois par leurs impĂŽts qui financent lâĂ©cole publique et une autre fois pour lâĂ©cole qui leur convient. Si lâĂ©cole libre nâexistait pas, lâEtat devrait crĂ©er dâautres Ă©tablissements et recruter dâautres maĂźtres et il est normal que les parents qui prĂ©fĂšrent une autre Ă©cole que lâĂ©cole publique bĂ©nĂ©ficient de la quote-part dâĂ©conomies quâils font ainsi faire Ă lâEtat. A lâanalyse, ce problĂšme français de lâĂ©cole libre ne met pas en cause le principe mĂȘme de la laĂŻcitĂ© mais il est plutĂŽt un terrain dâaffrontement quoique entre les partisans dâun monopole dâEtat et ceux dâun libĂ©ralisme ouvert Ă la concurrence des idĂ©es. Cet exemple montre que la notion de laĂŻcitĂ© nâest pas si simple Ă dĂ©finir ou Ă appliquer. En France, elle reste teintĂ©e par la lutte acharnĂ©e que se sont longtemps livrĂ©e rĂ©publicains et royalistes, rouges et calotins. Certains laĂŻcs doctrinaires français continuent Ă combattre les croyants comme sâils Ă©taient encore une menace pour la rĂ©publique. Au nom de cette conception de la laĂŻcitĂ©, aucune formation religieuse nâest prĂ©vue dans les programmes de lâĂ©cole publique française. Pourtant un Etat moderne a tout intĂ©rĂȘt Ă donner une formation spirituelle Ă ses citoyens plutĂŽt que de laisser ceux qui sây intĂ©ressent chercher leur voie au travers de sectes douteuses. Les conflits de jadis sont aujourdâhui dĂ©passĂ©s et il faut rechercher lâĂ©panouissement du citoyen grĂące Ă une formation qui prend en compte tous ses besoins. A lâopposĂ© de la conception française de la laĂŻcitĂ©, celle de la Turquie moderne, qui fait lâobjet du texte ci-dessous, sâefforce de donner aux citoyens une formation religieuse contrĂŽlĂ©e par lâEtat laĂŻc. Une position intermĂ©diaire peut raisonnablement sâenvisager ce nâest pas Ă lâEtat dâassurer une formation religieuse, mĂȘme dans un esprit laĂŻc, mais lâEtat ne doit pas se dĂ©sintĂ©resser non plus des aspirations spirituelles de ses citoyens. Pourquoi ne pas donner au moins une information sur ce que sont les diffĂ©rentes religions, lâathĂ©isme ou lâindiffĂ©rence religieuse de telle sorte que puisse librement sâorienter la recherche spirituelle des adolescents que cela intĂ©resse ? La laĂŻcitĂ© en Turquie La situation turque au sein du monde musulman est particuliĂšrement originale. La rĂ©volution dâAtatĂŒrk nâa pas fini de produire ses effets et peut-ĂȘtre montrera-t-elle la voie pour lâĂ©volution dâautres pays. Rappelons que Mustafa Kemal AtatĂŒrk 1881-1938 vint au pouvoir en 1920 peu aprĂšs la dĂ©faite de lâEmpire ottoman, alliĂ© aux Allemands au cours de la PremiĂšre Guerre mondiale⊠AnimĂ© dâun nationalisme ombrageux et fort peu sensible aux prĂ©ceptes du Coran â il est mort dâune cirrhose du foie AtatĂŒrk a voulu en quelques annĂ©es, faire de son pays un Etat moderne de type europĂ©en. Il nâa pas hĂ©sitĂ© Ă bousculer sa culture sĂ©culaire par des mesures autoritaires remplacement de lâĂ©criture arabe par lâalphabet latin, obligation de sâhabiller Ă lâoccidentale constitution dâune rĂ©publique laĂŻque et abolition du califat. En ce qui concerne cette institution fondamentale de lâIslam2, il est curieux de constater quelle la dĂ©cision dâun gĂ©nĂ©ral laĂŻc de la supprimer dâun trait de pluiue nâait pas provoquĂ© beaucoup de rĂ©actions ni suscitĂ© la naissance dâun califat de remplacement dans un autre pays. En montrant la fragilitĂ© du mythe du califat, AtatĂŒrk prouvait aussi que lâIslam pouvait vivre sans se mĂȘler de politique. LâIslam est en effet bien vivant dans la Turquie contemporaine la population rurale, qui reprĂ©sente prĂšs de la moitiĂ© de ses 70 millions dâhabitants, est encore profondĂ©ment pratiquante, de mĂȘme quâune bonne partie des citaÂŹdins restĂ©s imprĂ©gnĂ©s de culture traditionnelle. Pour rĂ©pondre aux besoins religieux de ses ressortissants, lâEtat laĂŻc turc nâa pas hĂ©sitĂ© Ă crĂ©er en 1947 une facultĂ© de thĂ©ologie puis un rĂ©seau dâĂ©coles religieuses pour former le personnel des mosquĂ©es, imams et prĂ©dicateurs. Contrairement aux Ă©coles coraniques des autres pays musulmans, ces Ă©coles suivent le programme profane normal auquel sâajoutent une formation coranique et lâenseignement de lâarabe. Ces imam ve hatip okullan comptent 250 000 Ă©lĂšves, ce qui permettra que les futurs cadres religieux ne soient pas coupĂ©s de la rĂ©alitĂ© du monde moderne et quâils ne soient pas hostiles Ă lâEtat. Lâobjectif de lâEtat laĂŻc de contrĂŽler la religion se traduit de plus en plus par lâintroduction dâun enseignement religieux officiel minimum dans toutes les Ă©coles publiques. Cette Ă©volution ne soulĂšve pas de difficultĂ©s excessives dans un pays oĂč la population est musulmane Ă 99 %. Cependant les rares Ă©lĂšves chrĂ©tiens se trouvent placĂ©s dans une situation dĂ©licate, car ils sont souvent obligĂ©s dâassister Ă des cours religieux contre leurs convictions. Le respect de celles-ci dĂ©pend entiĂšrement de la volontĂ© et de lâouverture dâesprit de leurs professeurs, ce qui est Ă©videmment alĂ©atoire. Constatant que la thĂ©ocratie dessĂšche et dĂ©voie les religions tandis que lâathĂ©isme les Ă©touffe et favorise ainsi les sectes obscurantistes, on en vient Ă penser que la laĂŻcitĂ© est la condition nĂ©cessaire au progrĂšs des religions. Il sâagit Ă©videmment dâune laĂŻcitĂ© moderne et dĂ©complexĂ©e et non dâune laĂŻcitĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment antireligieuse. Pourtant seule une laĂŻcitĂ© tolĂ©rante serait en mesure dâapporter la dĂ©crispation des esprits . Post Views 707
LHomme et la Religion. Nous pourrions dĂ©finir la religion comme la maniĂšre avec laquelle l'homme Ă©tablit le lien avec le divin. La religion se base sur un systĂšme de croyance qui permet Ă 16 janvier 2011 â 4 minutes de lectureCompte-rendu CafĂ© philo lâhomme peut-il se passer de religion ? Pour rĂ©pondre Ă la question, il fallait dâabord commencer par dĂ©finir ce quâest ue religion, en essayant de dĂ©terminer les points communs Ă toutes les diffĂ©rentes formes de religions qui existent dans le monde, et qui peuvent ĂȘtre trĂšs diverses monothĂ©isme, polythĂ©isme, animisme;..avec ou sans LivreâŠ. Deux Ă©lĂ©ments peuvent ĂȘtre pris en compte toute religion comporte des croyances et des rites qui nous mettent en relation avec du sacrĂ©. Nous avons cherchĂ© Ă dĂ©terminer ce qui caractĂ©rise une croyance religieuse elle a ceci de particulier quâelle constitue pour celui qui la porte une certitude absolue, alors mĂȘme quâelle ne peut faire lâobjet dâune dĂ©monstration, et que lâon ne peut prouver Ă celui qui en doute quâil faut croire. on parlera alors dâune certitude subjective. Le rite, quant Ă lui, dĂ©signe un acte, une paroleâŠetc qui se rĂ©pĂšte. Le sacrĂ© dĂ©signe alors ce domaine sĂ©parĂ© du profane, protĂ©gĂ© et mystĂ©rieux. Lâexistence du sacrĂ© suppose donc que le monde ne sâarrĂȘte pas Ă ce quâon en voit, quâil y a autre chose derriĂšre ou au-delĂ . Ainsi, une des premiĂšres rĂ©ponses qui a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă la question de dĂ©part est que la religion est nĂ©cessaire pour rĂ©pondre Ă la peur de la mort et donner un sens Ă la vie. Cependant on a pu remarquer que la rĂ©ponse religieuse, qui consiste Ă prolonger la vie aprĂšs la mort, nâest pas la seule possible. Nous avons ainsi parlĂ© de la thĂ©orie dâEpicure, qui est matĂ©rialiste et pense donc que lâĂąme ne subsiste pas aprĂšs la mort, que nous nâavons pas Ă craindre ce quâil pourrait y avoir aprĂšs, puisquâil nây a rien !. Cependant la question se pose aussi de la peur dâabandonner la vie tout simplement. Il rĂ©pond aussi Ă cela en montrant que bien vivre et bien mourir câest la mĂȘme chose, et que si la vie a Ă©tĂ© pleinement vĂ©cue, on ne regrettera pas de la quitter. Dâautre part, nous avons pu remarquer que se passer de religion suppose de se passer du besoin qui en est Ă lâorigine besoin dâĂȘtre rassurĂ©, besoin de bonheur ou mĂȘme dâĂ©galitĂ©, comme le suggĂšre Marx. On peut alors se demander si ces besoins doivent ĂȘtre supprimĂ©s, ou si, Ă©tant lĂ©gitimes, ils peuvent ĂȘtre satisfaits par autre chose que la religion, notamment la science. Comme nous nâavons pas eu le temps dâapprofondir cette question, elle est lâobjet du prochain cafĂ© philo. Il faut noter en dernier lieu que certains ont insistĂ© sur le cĂŽtĂ© nĂ©faste de la religion, source de violence et de conflits entre les hommes, ce qui suggĂšre que non seulement on peut sâen passer, mais quâil le faut !! Concernant cette violence, quâon ne peut nier, on peut remarquer quâelle est lâenvers du lien que la religion peut crĂ©er entre les hommes une religion lie trĂšs fortement ceux qui y adhĂšrent, et les oppose par lĂ -mĂȘme Ă ceux qui nâen sont pas. On peut regretter que les valeurs universelles, qui sont portĂ©es par les religions, ne sâexpriment pas dans la vie rĂ©elle des hommes. Cet article a Ă©tĂ© publiĂ© dans 2-Ăa s'est passĂ© au cafĂ©, ActualitĂ©s, CafĂ© Philo. Ajoutez ce permalien Ă vos favoris.
> L'homme est un ĂȘtre raisonnable sensiblement affectĂ©, esprit et corps, incarnation de l'un dans l'autre: il est son corps. => Dire que l'homme est religieux c'est dire qu'il est capable de signifier l'absence, ce qui n'est plus (regret), ce qui sera, qu'il est capable d'espĂ©rer que ce qui n'est plus sera, renaĂźtra en Dieu: il est doncDissertation: L'homme peut-il se passer de religion ?. Recherche parmi 274 000+ dissertations. 1 Ce qui peut lui faire que sans la religion lâhomme ne pourrait supporter le poids de la vie, la cruelle rĂ©alitĂ© car il pourrait penser que sans religion et sans le sacrifie de Dieu lâhomme aurait une vie lamentable, or que avec son sacrifice
Mais il nous faudra aussi voir dans une seconde parti tout ce que la religion apporte a lâhomme et quâil ne peut se passer de du besoin de religion.Ce pourquoi, il nous faudra dans un troisiĂšme temps voir que lâhomme ne peut se passer des principe moraux et sociaux de la religion. Tout dâabord, il paraĂźt normal que lâon puisse se passer du besoin de religion puisque un grand
Répondre 1 on une question Reformule le sujet: l'homme peut ils se passer de la religion - réponse sur le e-connaissances.com
Ainsi une des premiÚres réponses qui a été donnée à la question de départ est que la religion est nécessaire pour répondre à la peur de la mort et donner un sens à la vie. Cependant on a pu remarquer que la réponse zEKDg.